
Le Figaro August 16, 2005
Au Congrès, le camp républicain se divise sur la guerre
Des députés américains réclament l'augmentation des troupes
By Guillemette Faure
C'est un parallèle que la Maison-Blanche et le Pentagone auraient préféré éviter. Il émane pourtant d'une autorité sur le sujet : vendredi, Henry Kissinger, l'ancien bras droit du président Nixon, a expliqué dans une tribune publiée par le Washington Post que l'annonce par le général George Casey d'un possible retrait d'une partie des troupes américaines en Irak au printemps lui avait rappelé «de poignants souvenirs» du Vietnam.
Il reconnaît que les situations sur le terrain n'ont pas grand-chose de comparable, mais s'inquiète de l'impact que les doutes dans le pays peuvent avoir sur l'établissement d'une stratégie en Irak. «Pour moi, la tragédie du Vietnam réside dans le fait que les divisions qui sont nées aux Etats-Unis empêchaient d'atteindre un résultat compatible avec les sacrifices faits», a-t-il encore expliqué sur CNN. «On ne peut pas entamer un retrait sans avoir défini d'objectif.» Pour les Etats-Unis comme pour l'Europe, il y aurait trop à perdre, selon lui, à ce que l'Irak devienne ce qu'était l'Afghanistan avant la guerre : une théocratie et un champ d'entraînement pour terroristes.
Henry Kissinger n'est pas le seul à insister pour que le Pentagone réfléchisse à deux fois avant de retirer les troupes d'Irak. Interrogé par Fox News sur son soutien au secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, le républicain John McCain, une autorité militaire, a asséné le coup de pied de l'âne : «Je n'ai pas confiance en lui. Mais ce qui compte, c'est que le président ait confiance en lui...» Alors que le Pentagone se fait évasif sur les conditions du départ d'Irak, le sénateur d'Arizona, vétéran du Vietnam, qui défend depuis longtemps l'envoi de renforts militaires, a ajouté : «Le jour où je pourrai atterrir à l'aéroport de Bagdad, prendre l'autoroute pour la zone verte dans une voiture sans protection armée, ce jour-là j'envisagerai le retrait des troupes d'Irak.»
Depuis que le soutien à la guerre s'effondre dans les sondages, des partisans du maintien des troupes en Irak s'inquiètent de stratégies de sortie bâclées ou de révisions d'objectifs destinées à répondre à l'opinion publique. «Jusque-là, il y a eu étonnamment peu de discussions sur les alternatives à la politique américaine actuelle en Irak», observe John Pike, de GlobalSecurity.org, une société de conseil en sécurité. «Beaucoup pensent à tort qu'il faut choisir entre garder le cap de Bush ou se désengager sans réfléchir aux conséquences d'un départ rapide pour l'Irak. Il n'y a pas de réflexion sur la manière dont on pourrait rester différemment en Irak. Pas plus qu'il n'y en a sur la façon d'améliorer la vie des civils.»
Des va-t-en-guerre du printemps 2003 conseillent le président sur la façon d'agir pour ne pas perdre le soutien de ses concitoyens. Le sénateur républicain George Allen a suggéré à Bush de rencontrer Cindy Sheehan, la mère d'un GI mort en Irak, qui campe en face de sa résidence de Crawford, pour lui expliquer en quoi son fils a participé à une guerre importante. Au début du mois, le New York Post a recommandé à Bush de se rendre à Brookpark, en Ohio, la ville d'origine des vingt marines tués dans une même attaque, pour faire ainsi «un grand geste au milieu de ce qui semble être une phase sanglante en Irak».
© Copyright 2005, Le Figaro