300 N. Washington St.
Suite B-100
Alexandria, VA 22314
info@globalsecurity.org

GlobalSecurity.org In the News




Le Devoir.com October 25-26, 2003

Rumsfeld se convertit à la «lutte idéologique»

Source: Reuters

Dans une note «confidentielle» sur la stratégie américaine, qui, selon certains observateurs, a été livrée aux médias par Rumsfeld lui-même, le chef du Pentagone interroge les responsables du ministère de la Défense sur le bien-fondé de la politique américaine en matière de lutte contre le terrorisme.

Sous l'intitulé «Sommes-nous en train de gagner ou de perdre la guerre mondiale contre le terrorisme ?», Donald Rumsfeld met l'accent sur la lutte idéologique, soulignant à trois reprises le rôle d'école du terrorisme que jouent, selon lui, les madrassas, c'est-à-dire les écoles coraniques.

Dans une entrevue accordée au Washington Times, le ministre de la Défense, héraut de l'intervention militaire tant en Afghanistan qu'en Irak, lance aussi l'idée d'une «agence d'information gouvernementale du XXIe siècle» chargée de mener la «guerre des esprits».

«L'immense majorité des gens dans le monde, quelle que soit leur religion, ne croient pas au terrorisme. Ils ne croient pas à l'utilité de parcourir le monde en tuant des innocents, hommes, femmes et enfants, dit-il. Il faut qu'il y ait davantage de gens qui osent prendre position ainsi dans le monde, que ce ne soient pas seulement nous.»,

Pour nombre d'experts du terrorisme, il était temps que le gouvernement américain manifeste cette inflexion de sa stratégie. La politique actuelle des États-Unis dans ce domaine «ne marche pas, elle est stupide», estime ainsi Xavier Raufer, expert français du terrorisme.

L'échec américain réside notamment dans l'incapacité de Washington à répondre aux exhortations d'Oussama ben Laden et dans son obsession à l'égard de l'homme, aux dépens de la réfutation de son discours. «Ben Laden n'est pas le chef de l'IRA [l'Armée républicaine irlandaise]. Son seul pouvoir, c'est son prêche. Il a le pouvoir de répandre la parole, d'inciter les gens au djihad, mais il ne peut les y contraindre. Il peut exhorter les gens, les pousser à agir, mais il ne peut pas donner d'ordre. Ce n'est pas le général d'une armée», explique Xavier Raufer.

Pour Ivo Daalder, de l'institut américain Brookings, il est simpliste de voir dans les madrassas la clé du problème. «Il [Rumsfeld] devrait s'interroger sur notre politique proche-orientale, sur le soutien que nous apportons aux régimes répressifs d'Arabie Saoudite et d'Égypte. Il est frappant de voir combien cette structure de pensée est étroite», estime-t-il.

Pour de nombreux experts, Rumsfeld a fait circuler cette note pour montrer qu'il est toujours «dans le coup», lui dont la position auprès de George Bush semble devenir plus fragile à mesure que la lutte contre le terrorisme s'enlise.

«Rummy veut montrer qu'il fait toujours partie du jeu, qu'il n'est pas idiot et qu'il est conscient de la nécessité, pour le gouvernement américain, d'actualiser en permanence ses priorités», explique John Pike, directeur de l'institut GlobalSecurity.org.

Son constat est toutefois sans appel : «Cela fait deux ans que nous sommes en Afghanistan et on continue à nous tirer dessus. Quant à l'Irak, s'il n'est pas sûr que des liens avec al-Qaïda existaient il y a un an, aujourd'hui c'est une certitude.»

Pour autant, aucun expert n'envisage un virage à 180 ? degrés de la politique américaine en Irak, où les enjeux pétroliers priment. «Il est exclu de faire en Irak ce que l'on a fait au Viêtnam, à savoir annoncer la victoire et rentrer au pays, dit John Pike. S'ils faisaient prêter serment à [l'ancien dirigeant en exil Ahmad] Chalabi en lui souhaitant tout le bien possible avant de partir, quelques jours plus tard, un homme avec une grosse moustache ferait son apparition, lui tirerait une balle dans la tête et dirait : "C'est moi le chef".»

John Pike pense que la présence militaire américaine en Irak ira en décroissant à l'approche des élections présidentielles de novembre 2004, à condition toutefois que Saddam Hussein soit capturé. «Le prochain signe crucial, c'est le jour où ils prendront Saddam. Ce sera alors très tentant d'annoncer un désengagement partiel», prédit-il.


© Copyright 2003, Reuters