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Le Monde June 23, 2003

Une école de hackers à Pyongyang ?

Par Alexandre Lévy

Et si l'arme secrète du régime nord-coréen n'était pas atomique, mais informatique ? Alors que Pyongyang admet désormais publiquement vouloir se doter de l'arme nucléaire, de hauts responsables militaires sud-coréens mettent depuis quelques années en garde la communauté internationale contre la capacité présumée du régime à mener des attaques "cyberterroristes", voire une véritable "cyberguerre". Récemment, en marge d'un séminaire sur la sécurité informatique à Séoul, un général du Sud a même affirmé que la Corée du Nord "formait une centaine de pirates informatiques par an", dont la mission serait de désorganiser et de bloquer les systèmes de défense et de communication de l'ennemi.

L'existence supposée d'une "école de hackers" dans ce pays à l'économie dévastée et où l'accès à Internet n'est réservé qu'à un petit nombre d'élus n'a pas manqué d'alimenter la controverse sur ses capacités de nuisance réelles. Plusieurs sources confirment en tout cas l'existence d'une "école de génies", créée en 1984 afin d'accueillir les étudiants les plus brillants du pays : "l'académie Mirim", du nom du quartier de la capitale où elle est située. Cet établissement, qui porte aujourd'hui le nom d'Institut de guerre électronique, enseignerait les applications des nouvelles technologies dans le domaine militaire. Le cursus complet y durerait cinq ans, et une centaine de diplômés en sortiraient chaque année. "Promus au rang de lieutenant, ils sont incorporés à l'état-major de l'armée ou dans certaines unités de combat, notamment le long de la zone démilitarisée", explique le professeur Alexandre Mansourov, de l'Asia-Pacific Center for Security Studies, un organisme de recherche sur la sécurité basé à Hawaï. "En 1990, le nombre de personnes formées fut jugé suffisant pour créer une section spéciale dédiée à la guerre électronique auprès de l'état-major nord-coréen, l'Electronic Warfare Bureau."

La Corée du Nord représente-t-elle pour autant une "cybermenace" sérieuse pour ses ennemis ? Au sein du ministère de la défense américain, certains analystes semblent avoir pris au sérieux l'éventualité d'une attaque informatique contre leurs centres de commandement dans le Pacifique. Lors d'une simulation organisée par le Pentagone en 1997, le rôle des forces hostiles fut ainsi attribué à des pirates informatiques nord-coréens.

L'année suivante, un autre expert du Pentagone, John Arquilla, publia dans le magazine Wired un scénario fictif d'une "guerre informatique globale" également déclenchée par Pyongyang. "Même si la Corée du Nord n'arrive pas à nourrir sa population, ce pays est à même de développer et d'utiliser tout le spectre des armes modernes, y compris informatiques", estime de son côté John Pike, dont le site, GlobalSecurity.org, publie un guide détaillé des forces armées nord-coréennes.

Alexandre Mansourov prend, lui, ces propos alarmistes avec beaucoup de circonspection. "La menace informatique est de l'ordre de la nuisance superficielle, elle ne peut en aucun cas inverser le rapport de forces sur la péninsule, estime-t-il. A l'heure actuelle, le régime concentre ses efforts sur l'améliorationde la précision de ses missiles plutôt que sur le piratage des systèmes électroniques adverses." Pour ce chercheur russo-américain, les principaux responsables de cette surenchère sont les généraux sud-coréens, qui n'ont pas hésité à "exagérer" la cybermenace nord-coréenne afin d'obtenir de nouvelles augmentations du budget de la défense du pays.

Alexandre Lévy


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