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Liberation February 22, 2003

Une armada pour une strategie flexible

Les Americains redoutent l'inconnue de la riposte irakienne.

By Jean-Dominique Merchet

C'etait un secret de polichinelle : les marines allaient debarquer sur les plages du Koweit pour liberer le pays. En 1990-1991, toute la presse en parlait, et les televisions multipliaient les reportages, montrant la preparation d'un nouveau jour J face aux divisions irakiennes. Las ! De debarquement, il n'y eut point, et les marines resterent sur leurs bateaux. Bien avant le declenchement de Tempete du desert, l'etat-major americain avait en effet renonce a toute operation amphibie. Trop dangereux. Mais en menacant de le faire - et en le faisant dire - les strateges americains obligerent les Irakiens a concentrer des troupes le long des cotes koweitiennes. Et donc a disperser leurs forces, les affaiblissant dans le desert, la o l'offensive terrestre eut reellement lieu. En terme militaire, cela s'appelle une strategie de 'deception', dont il serait possible de multiplier les exemples. C'est dire si toutes les speculations sur les operations militaires a venir doivent etre considerees avec la plus extreme prudence. Secret-defense. Le secretaire americain a la Defense, Donald Rumsfeld, explique que son pays a desormais 'les moyens et la strategie' pour mener une guerre. Connaitre la realite des 'moyens' militaires reellement engages dans la region n'est pas simple. 'Il n'est plus possible de fournir un etat des lieux tres precis, compte tenu de la diminution des informations publiques disponibles', constate Globalsecurity (1), l'observatoire militaire independant le plus pointu. Selon ses estimations, il y aurait environ 126 000 militaires americains presents dans la region. Un responsable du Pentagone les a chiffres vendredi a 210 000, dont 98 000 au Koweit, mais le meme jour Rumsfeld repondait a la chaine PBS : 'Je ne donnerai pas de chiffres !'

La moitie des effectifs sont des marins embarques, et 20 000 servent sur les bases aeriennes. Les effectifs reellement disponibles pour une action sur le sol irakien seraient donc au maximum de 20 000 a 30 000, ce qui reste un chiffre important. Environ 750 avions de tous types sont presents dans la region, et le nombre de missiles Tomahawk, destines a frapper des cibles terrestres, serait de l'ordre d'un millier.

Comparee a la strategie, la connaissance des forces deployees est d'une precision remarquable ! S'il est definitivement arrete, l''Oplan', c'est-a-dire le plan d'operations, est sans doute le secret le mieux garde du Pentagone. Les fuites, dans la presse americaine, ne concernent que des options sur lesquelles les planificateurs militaires ont un moment travaille.

'Notre plan marchera parfaitement... jusqu'au premier coup feu de l'ennemi', dit un vieil adage militaire. Le comportement de l'Irak est en effet la grande inconnue. Les experts et les strateges pointent essentiellement trois grandes difficultes pour la conduite des operations militaires : les armes de destruction massive, l'eventualite de combats en zones urbaines et la politique de la terre brulee.

Cette derniere vient d'etre pointee du doigt par l'amiral Jacoby, directeur de la Defense Intelligence Agency, qui s'exprimait au Senat americain : 'En detruisant les infrastructures, Saddam pourrait creer un desastre humanitaire suffisamment important pour stopper une avance militaire.' Les Irakiens pourraient egalement mettre le feu a leurs puits de petrole - comme ils l'avaient fait au Koweit en 1991 -, creant une catastrophe ecologique. Afin de ralentir la progression americaine, ils peuvent egalement ouvrir leurs barrages, noyant de vastes zones marecageuses, et faire sauter les ponts sur le Tigre et l'Euphrate.

Souvenir cuisant. A ce premier casse-tete s'ajoute la perspective d'avoir a combattre a Bagdad. Les fantassins americains s'entrainent depuis des mois dans une veritable ville arabe reconstituee dans le sud des Etats-Unis. Mais il y a loin de la theorie a la pratique, d'autant que l'armee americaine n'a guere d'experience en la matiere et garde un souvenir cuisant du desastre somalien de Mogadiscio en 1992. La derniere et unique victoire americaine en combat urbain remonte a la reprise de Hue, au Vietnam en 1968. Mais cette victoire militaire couteuse s'etait transformee en defaite politique... Bagdad est le domaine exclusif de la garde republicaine speciale (GRS) et des differents services de securite, recrutes sur une base tribale. Ni l'armee ni la garde republicaine (GR) n'ont le droit de penetrer dans la capitale. Les experts estiment a une dizaine de milliers le nombre d'hommes reellement prets a se battre - non dans les rues de Bagdad, o la population ne leur est pas acquise, mais dans les vastes domaines que sont les palais presidentiels. A moins que ceux-ci n'aient ete rases par l'aviation americaine.

Dernier souci, le plus important : l'Irak utilisera-t-il des armes chimiques ou biologiques ? 'Personne ne fera le pari que Saddam n'en possede plus', assure un proche du dossier. Les gaz VX ou moutarde, le bacille du charbon, la toxine botulique, l'aflotoxine inquietent reellement les militaires. D'autant que le regime vient de reconnaitre avoir developpe des missiles Al-Samoud 2, de plus de 150 kilometres de portee. En violation des resolutions de l'ONU. (1) www.globalsecurity.org


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