
Agence France Presse February 15, 2002
La meteo marine au service de la guerre
Par Jean-Michel Stoullig
La meteo, preoccupation banale de centaines de millions de civils, est un des nerfs de la guerre pour les militaires americains qui ne cessent d'affiner leurs outils.
"Prevoir le temps est un un facteur de decision militaire vital. Cela influence par exemple le type d'armes que vous utiliserez ou le ravitaillement en vol", resume le contre-amiral Richard West, l'Oceanographe de la Marine americaine - un service de meteo marine aux interets multiples, comme l'utilisation de cetaces contre les mines immergees.
Les vents freinent ainsi le decollage sur les porte-avions et determinent les retombees d'une eventuelle attaque bacteriologique ou chimique de terroristes, ajoute l'amiral West, lors d'une rencontre avec des journalistes.
En Afghanistan, le guidage au laser des cibles par des commandos au sol a ete essentiel a la precision des munitions lancees par les avions americains. Mais, "le faisceau laser peut etre obscurci dans l'atmosphere" et les avions americains ont par exemple renonce a ce genre de bombes dans la zone de Mazar-i-Sharif (nord), selon le capitaine Chris Gunderson.
En revanche, les bombes de precision guidees par des satellites geostationnaires (GPS) se moquent des nuages. Mais, notent les officiers, une mauvaise prevision de la direction des vents peut dejouer les mecanismes de correction automatique des trajectoires dont sont munis ces missiles.
"Si vous voulez jouer au golf a Washington, des previsions approximatives a quatre ou cinq jours vous suffisent. Ca ne convient pas a la Marine, c'est meme dangereux et nous devons etre bien plus precis que +peu nuageux+", souligne l'amiral West.
Les militaires peuvent a la rigueur etablir des plans a trois jours, mais des previsions meteo precises de douze a vingt-quatre heures maximum sont indispensables, selon lui, a l'execution d'operations.
En fait, la meteorologie militaire marine, qui echange ses informations avec d'autres organismes americains (armee de l'Air, Agence de defense interieure, CIA, agence spatiale NASA, etc), a recours aux memes modeles des superordinateurs que les chaines de television. Mais elle en fait une utilisation differente et elle affine constamment son reseau informatique, explique le capitaine Gunderson.
De plus, les oceanographes ont acces non seulement aux satellites GPS, mais aussi a des satellites militaires secrets. Combinant ces donnees avec les observations au sol, ils etablissent le "cube 4D", un modele en quatre dimensions de tout l'environnement de l'eventuel champ de bataille.
Les oceanographes militaires, qui pendant la guerre froide mettaient l'accent sur les recherches en acoustique, notamment pour ecouter les sous-marins sovietiques, doivent aujourd'hui imaginer toutes les hypotheses d'"attaques assymetriques" de terroristes ou d'Etats plus faibles.
"Un des defis principaux" est le reperage des mines maritimes, notamment celles enfouies dans le sable, selon Richard West. Pour contrer la menace, les marins tablent sur la cartographie en cours des fonds des mers. Et pour verifier un engin suspect, ils peuvent aussi envoyer des dauphins et marsouins entraines specialement a San Diego (Californie).
Le service d'oceanographie de la Marine dispose d'un budget annuel d'environ 420 millions de dollars, d'effectifs de 3.300 personnes, civils et militaires, d'une flotte de huit bateaux d'observation oceanographique et de neuf centres terrestres principaux dans le monde.
La Marine americaine a une nette avance sur les autres pays en matiere de meteo et d'acoustique sous-marine, alors que traditionnellement les marines europeennes sont plus expertes en matiere de dragage de mines, estime John Pike, membre de l'organisation globalsecurity.org.
Cela change, estime-t-il, avec les menaces asymetriques. "La flotte americaine des grands oceans bleus passe maintenant aux eaux brunes" peu profondes, ou les navires sont plus vulnerables, comme le Golfe, ajoute M. Pike.
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